Si l’émotion est corporelle, comme nous l’avons vu dans l’article précédent, qu’en est-il des sentiments ? Et que nous apprennent nos émotions de colère ou de tristesse ?
Émotion ou sentiment ?
Nous l’avons vu dans l’épisode précédent, l’émotion est une réaction réflexe et corporelle qui nous permet de nous adapter en permanence à notre environnement. Dans l’émotion, c’est le cerveau limbique, la partie primitive de notre cerveau qui est principalement concerné. Quand le cortex cérébral entre en action, l’émotion peut se transformer en sentiment.
Le sentiment est créé par le processus intellectuel qui nous permet d’identifier la cause de l’émotion, d’y associer la sensation corporelle ressentie et de réactiver ce souvenir à la demande. C’est l’enregistrement dans le cortex cérébral de la relation entre le déclencheur et la sensation corporelle. Par exemple, je passe devant un jardin et je suis surpris par un chien qui aboie rageusement, je ressens une émotion de peur. Le lendemain, je m’apprête à passer au même endroit, je me remémore le chien et la peur que j’ai éprouvée, il s’agit là d’un sentiment de peur. De même, la première fois que vous rencontrez la personne de votre vie, vous ressentez une émotion de joie. Le lendemain, quand vous repensez à cette personne, vous réactivez le souvenir ainsi que la sensation corporelle. Le sentiment amoureux est en train de naitre.
L’émotion est donc essentiellement physique alors que le sentiment est un processus intellectuel.
Ce que nous dit la tristesse
La tristesse est par définition, l’émotion du changement. Nous sommes tristes parce que nous avons perdu un être cher ou quelque chose d’important, la santé, un examen, un objet qui nous tenait à cœur… La perte est douloureuse et notre intellect ne veut pas l’accepter. Ne dit-on pas « avoir du mal à faire son deuil » ? L’émotion, par la réaction corporelle qu’elle génère, est là pour acter la perte, nous en faire prendre conscience et permettre ainsi un nouveau départ. La tristesse n’est pas là pour que nous nous lamentions, elle nous pousse à l’action. La tristesse est, par exemple, l’un des moteurs qui déclenche une remise en question après un échec professionnel.
Cette émotion joue également un rôle social important. La tristesse qui s’exprime est un appel au reste du groupe : « j’ai besoin d’aide ! ». Elle permet ainsi aux individus de tisser des liens de solidarité et d’entraide. Nous avons tous vu autour de nous ou dans les médias des personnes se mobiliser pour venir en aide à des personnes âgées confinées ou au personnel des hôpitaux. Cette réaction est déclenchée parce que ces personnes ont manifesté leur tristesse, soit d’être seules chez elles sans visite, soit de ne pas avoir le matériel nécessaire pour soigner les malades…
Ce que nous dit la colère
Parce qu’elles prennent naissance dans notre cerveau primitif, il est toujours intéressant de regarder ce qui se passe dans le règne animal quand on parle d’émotions et c’est très vrai pour la colère. Dans le monde animal, elle s’exprime pour faire respecter son territoire face à un intrus ou sa harde de femelles face à un rival. Chez l’homme cette colère animale s’est hélas trop souvent exprimé lors des guerres.
Dans nos entreprises et dans nos vies sociales, il ne s’agit plus de défendre un territoire au sens physique du terme. La colère s’exprime désormais pour défendre nos valeurs quand nous sentons que celles-ci sont menacées. Les luttes politiques ou syndicales en sont l’expression, heureusement apaisée.
La notion de territoire à défendre s’entend aussi en termes de responsabilités professionnelles, de développement de carrière et de reconnaissance. Dans ce domaine, la colère, tant qu’elle est saine, c’est-à-dire centrée sur soi, peut être un moteur un moteur de développement personnel. En revanche, une réaction qui s’extériorise n’est plus de la colère, c’est de la violence et cela peut vous desservir.
Nos émotions à l’épreuve du masque
Nos émotions fonctionnent plus vite que notre pensée. Des expériences ont montré qu’il faut 100 millisecondes pour reconnaitre une émotion sur un visage alors qu’il en faut le double pour reconnaitre le visage. Ainsi nous détectons une émotion sur un visage, avant même de savoir s’il s’agit d’un homme ou d’une femme.
Cette lecture des émotions est très importante car elles ont aussi un rôle social en rapprochant les personnes ou au contraire en marquant la distance. Mais le port du masque va bien compliquer l’affaire ! Puisque l’émotion est essentiellement perceptible sur le visage, nous allons d’un coup perdre la moitié de l’information. Seuls les yeux et les muscles du front pourront nous renseigner sur l’émotion de cette personne avec qui nous échangeons. C’est une belle occasion pour travailler l’expression de nos émotions par le regard.
Et puisque la sophrologie nous invite à prendre conscience des sensations de notre corps, pourquoi ne pas traduire par la posture, par le geste ce que nous ressentons à l’intérieur vis-à-vis de notre interlocuteur ? Un bel exercice de communication non verbale !
La semaine prochaine nous explorerons les deux dernières émotions primaires que sont le dégout et la joie avant de tordre le cou à une seconde idée reçue : la capacité à gérer ses émotions.
En attendant, prenez soin de vous, gardez les pieds sur terre !